Stadia : game over

Le service de Cloud Gaming Google Stadia sera définitivement fermé le 23 janvier 2023. C’est Phil Harrison, Vice-Président et Manager, qui l’a annoncé dans un modeste billet de blog il y a quelques jours.  

Cette sortie en catimini tranche avec le faste de l’annonce du service. Rappelez-vous : c’était le 19 novembre 2019. 

Stadia : la promesse d’un jeu vidéo sans console

Google promettait le jeu vidéo sans console grâce au Cloud Gaming. Le jeu vidéo pour tous accessible immédiatement à plus de 2 milliards d’utilisatrices et d’utilisateurs sans les limites inhérentes au hardware physique. 

Juste une manette et une connexion internet. Il suffisait de lancer l’application ou même le navigateur Chrome pour lancer une partie de Assassin’s Creed Oddyssey, Destiny 2 ou encore Red Dead Redemption 2 qui faisaient partie du line-up de lancement. Stadia Games and Entertainment division étaient en charge du développement des exclusivités avec, sous sa houlette, Jade Raymond, une productrice réputée qui a travaillé chez Ubisoft. La barque était menée par Phil Harrison, un vétéran du milieu, ancien vice-président de Microsoft et directeur représentant de Sony Computer Entertainment. 

« One place for all the ways we play ». 

3 ans plus tard, quel bilan dresser de Stadia ?

Maigre selon les chiffres de Statista puisqu’en 2021, Stadia ne recueillait que 840 000 utilisatrices et utilisateurs dans le monde. Une bagatelle face au 4,7 millions de Facebook Gaming et surtout au 13,2 millions d’abonnés au GamePass de Microsoft. 

Les raison d’un échec

Comment expliquer une telle déroute par rapport aux ambitions initiales ? 

La technique n’est pas en cause. Les retours sont, pour la plupart, positifs, pour ne pas dire élogieux , sur le fonctionnement du service, et ce, sur n’importe quel appareil : ordinateur (via l’application dédiée ou le navigateur Chrome), le smartphone la télévision… 

Les principales critiques se concentrent sur l’offre car l’abonnement  Stadia Pro ne permettait pas d’accéder à un catalogue de jeux comme le GamePass mais au service lui-même : il fallait en plus acheter les jeux au prix fort pour pouvoir jouer. 

D’ailleurs, de quels jeux parle-t-on ? 

Si la plateforme de Cloud Gaming a progressivement étoffé sa ludothèque, elle a souffert d’un gros manque d’exclusivités. Là où la concurrence implantée depuis des décennies est capable d’aligner des mastodontes (Halo, Last of Us ou Zelda pour n’en citer qu’une poignée), qu’a proposé Stadia

Pourtant, ce n’est pas faute de moyens car, selon le journaliste américain Jason Schreier, Google est allé jusqu’à dépenser des dizaines de millions de dollars pour acquérir des licences prestigieuses comme Red Dead Redemption 2 pour son service de Cloud Gaming.

Des moyens colossaux ont aussi été investis pour se doter d’exclusivités. L’annonce de la fermeture prochaine du service a permis d’apprendre que Hideo Kojima, le créateur de la série des Metal Gear, travaillait sur un jeu solo, possiblement la suite de Death Standing. Seulement voilà, en l’absence de joueuses et de joueurs, ces titres ne sont jamais sortis. Il convient de noter (et de saluer) que les indépendants ont aussi profité de cette manne financière. Toutefois, un grand nombre de développeurs se retrouvent « orphelins » à la suite de l’annonce de la fin du service d’autant plus qu’ils l’ont appris en même temps que le grand public. 

Comme pour les jeux, Stadia n’a pas tenu ses promesses au niveau des fonctionnalités comme :

  • la possibilité de voir un trailer de jeu sur Youtube et de pouvoir y jouer en un clic ;
  • le fait de lancer une partie en multijoueur et de jouer avec son youtubeur préféré. 

De manière générale, Google n’a pas tenu sa promesse d’investissement dans Stadia sur le long terme. Dans une interview donnée au podcast Silence on joue, Majd Bakar, «VP of engineering» chez Google en charge de l’infrastructure de Stadia, parlait d’un engagement sur 10 ans. 

Avec cette fermeture prématurée, Stadia rejoint la longue liste des projets tués dans l’oeuf par Google

The game is not over

Au final, on peut se demander si l’échec de Stadia ne tient pas au service lui-même mais au manque de maturité du marché. À l’heure actuelle, les services de cloud gaming comme l’offre Geforce ou le XCloud de Microsoft sont loin de gagner les masses. Si le GamePass cartonne, c’est parce que l’on peut télécharger les jeux sur sa machine (Xbox Series ou PC). Comparaison n’est pas raison mais la situation rappelle l’échec relatif de la Xbox One. Sortie en novembre 2013, la console s’annonçait comme révolutionnaire grâce notamment à l’utilisation obligatoire du Kinect (outil de reconnaissance de mouvement). Cette nouveauté à l’époque a été perçue comme une intrusion dans la vie privée d’autant plus qu’elle demandait une connexion permanente à internet. Cet événement apparaît aujourd’hui comme une goutte d’eau dans l’océan de la captation massive des données personnelles par les géants du web aujourd’hui. 

Cet échec signe-t-il pour autant la fin de l’implication de Google dans le jeu vidéo ? Dans son billet de blog, Phil Harrison se dit toujours engagé dans le gaming. Selon lui, il y a de réels opportunité d’exploiter la technologie Stadia dans d’autres services Google comme Youtube, Google Play ou la réalité augmentée. 

La partie n’est pas terminée.  

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