Fin de Gamekult : le SEO est-il compatible avec la qualité des contenus ?

La rédaction du célèbre site de jeux vidéo Gamekult a annoncé la démission de la quasi totalité de ses membres jeudi 17 novembre. Elle l’explique comme le « résultat d’une usure globale » liée en partie à l’évolution d’un écosystème dans lequel le SEO joue un rôle prépondérant, évolution incompatible avec les principes et valeurs de Gamekult.

Y a-t-il de la place pour une presse libre, indépendante et exigeante à l’ère du SEO, qu’il soit sur Google ou sur les autres plateformes ?

On peut se poser la question à l’aune de la crise que traverse Gamekult qui va voir la quasi totalité de son personnel prendre le large le 7 décembre 2022. Elle est le symptôme d’une crise générale que connaît la presse depuis des années.

Réenchantement numérique vs esprit Gamekult

Le site ne disparaît pas avec ce départ. Son nouveau propriétaire, Reworld Media, accusé d’être en grande partie responsable de la situation, a promis de « réenchanter Gamekult » avec une intégration « pleine et assumée » des réseaux sociaux permettant « d’ouvrir la voie à d’autres leviers de rentabilité ». Une évolution qui semble confirmer les craintes de l’équipe actuelle.

Mais en quoi l’esprit de Gamekult serait incompatible avec le contexte numérique actuel ? Le site revendique produire des contenus de qualité. N’est-ce pas l’objectif de Google également que de valoriser le contenu pour les humains et de mettre sur la touche celui destiné aux robots ?

Pourtant, le rédacteur en chef Nicolas Verlet n’a pas de mots assez forts pour décrire le mécanisme de dégradation de la qualité qu’opèrerait Google. « On a évité de se souiller par le SEO« , affirme-t-il dans l’émission du 17 novembre. En essayant d’échapper à cet écosystème, il a bien conscience que la rédaction a « lutté contre le cours de l’histoire ».

Le paradigme utilitariste du SEO

Si Google met en avant le contenu de qualité, c’est d’abord le contenu utile comme l’illustre le récent Helpful Content Update. C’est bien cet utilitarisme inhérent au fonctionnement de Google qui pose problème car un contenu de qualité n’est pas forcément utile, qui plus est, à la masse des utilisateurs. Quand vous regardez les volumes de recherche des mots clés relatifs au « gaming », ce sont des questions pratiques qui dominent. On imagine sans mal les pages de tuto ou de comparateur en guise de réponse, moins les reportages de fond ou les analyses érudites chers à Gamekult même si le site n’ignore pas les premières.

Pourtant, une simple recherche Google permet de se rendre compte que Gamekult n’a pas esquivé la question du SEO. Ainsi, un certain Alexandre Poulet travaille sur le référencement naturel du site depuis 2019. Il revendique des résultats en première page de la SERP pour des mots clés à fort volume de recherche comme « Valorant » ou « Cyberpunk 2077 ». Si on se fie aux données de Semrush, Gamekult, c’est un trafic mensuel de 985 000 visiteurs par mois et 297 000 mots clés positionnés en Français.

Alors, Gamekult serait-il ingrat ?

Comparons avec l’autre mastodonte de l’information en matière de jeux vidéo en France, à savoir jeuxvideo.com. Celui-ci a un trafic mensuel moyen de 8,5 millions de visiteurs par mois. Il est positionné sur 1,6 millions de mots clés en France.

La taille fait la différence

À la lecture de ces chiffres, on comprend que la taille fait la différence on SEO, ce que confirme la comparaison du nombre de pages entre les deux sites : vous obtenez 304 000 pages indexées pour Gamekult contre 8 200 000 pour jeuxvideo.com. Nés à la même époque, les deux sites ne boxent définitivement plus dans la même catégorie !

Quand Gamekult pointe du doigt le SEO, c’est moins sa capacité à se placer en 1ère page des résultats pour des requêtes le concernant qu’il vise, qu’une frénésie quantitativiste à se placer sur n’importe quelle requête du moment que cela génère du trafic (ce que Nicolas Verlet appelle « communication d’abondance »). Ce contenu consacré au débat sur le pain au chocolat et la chocolatine en est un exemple emblématique.

On comprend alors mieux pourquoi dans ce contexte, l’esprit d’indépendance et d’exigence de Gamekult est une « anomalie », pour reprendre le terme de Nicolas Verlet.

Une anomalie qui devrait prendre fin le 7 décembre 2022.

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