Un article a récemment rencontré du succès sur le site Hacker News. Son originalité ? Il a été rédigé par une intelligence artificielle. Le futur du contenu en ligne ?
C’est avant tout une histoire de conviction.
En l’occurrence, Liam Porr, étudiant en informatique de l’Université de Berkeley, a voulu démontrer que l’intelligence artificielle (IA) avait « le potentiel pour changer la façon dont nous écrivons ». Pour cela, il devait en apporter « la preuve ».
En collaboration avec un doctorant, Liam Porr a utilisé GPT-3 pour écrire un texte.
GPT-3.
Ce nom vous dit peut-être quelque chose.
Quand l’IA fait le buzz
Il s’agit du modèle de traitement du langage naturel créé par la société Open AI dont les fondateurs sont Elon Musk et Sam Altman. Cet algorithme permet notamment de créer un contenu entièrement original à partir de l’analyse de données provenant de milliards de textes sur le web, et ce, sans intervention humaine. Celle-ci se réduit à rentrer des instructions comme un mot-clé ou une phrase dont l’IA se sert pour élaborer son contenu.
Le texte « de » Liam Borr a été publié sur le site Hacker News, réputé auprès des spécialistes en informatique et de la tech en général. Son titre : « Feeling unproductive? Maybe you should stop overthinking » (« Vous vous sentez improductif ? Peut-être devriez-vous arrêter de trop réfléchir »).
Résultat : en deux semaines, le blog a accueilli 26 000 visiteurs et gagné 60 nouveaux abonnés.
Mieux : seule deux personnes se sont rendues compte que l’article était généré par GPT-3. L’une d’elle s’est exprimée publiquement dans les commentaires : elle a sèchement été recadrée par un visiteur qui lui a fait part du caractère insultant de sa remarque !
« Le futur des médias en ligne »
Pour Liam Borr, l’IA n’est ni plus ni moins que « le futur des médias en ligne ». En dépit de ses erreurs et de ses incohérences, « son » texte a rencontré un franc succès. S’il les avait corrigées et s’il s’était plus impliqué dans le processus créatif (en écrivant une conclusion, par exemple), personne n’aurait vu la différence.
Ce futur radieux que nous prédit Borr risque de bouleverser le travail des rédactrices et des rédacteurs. Ainsi, un gros site d’information comme Buzzfeed pourrait avec GPT-3 réduire ses effectifs de 200 à 133 personnes tout en faisant une économie de 3 millions de dollars par an. C’est tout le business des médias en ligne qui serait chamboulé par l’IA avec l’avènement d’un nouveau modèle d’entreprise qui serait « léger et rapide ».
En effet, il est difficile d’ignorer l’impact de l’IA sur le processus de création de contenu. Comment ne pas tenir compte des bénéfices d’une technologie qui permet de pondre un texte de plus de 1 000 mots et relativement bien écrit ? Le facteur humain ne disparaitrait pas pour autant. Comme souvent avec les nouvelles technologies, il aurait un rôle de supervision :
- en édictant les instructions ;
- en procédant à la relecture et à la correction.
À l’heure actuelle, il existe de nombreuses applications de génération automatique de contenu basées sur GPT-3 :
- jasper.ai ;
- copysmith.ai ;
- markcopy.ai ;
- etc.
Pour avoir essayé certaines d’entre elles, je n’ai pas été convaincu par leur utilisation dans le cadre de la production d’un article de blog de qualité (pour l’instant). Pour autant, cela n’empêche pas ces outils de créer des textes qui génèrent du trafic, obtiennent des positions dans Google et suscitent des conversions.
Les limites de l’IA dans la production de contenu
Par ailleurs, la production de contenus plus ambitieux serait réservée aux seuls humains. Les limitations de GPT-3 le cantonne à des textes de qualité moyenne écrits à la chaîne comme, par exemple, des fiches produits dans le cadre d’un commerce en ligne. Dès lors qu’il s’agit de raisonner, l’IA reste perfectible comme l’a démontré Gary Marcus, le directeur général de Robust.IA, très sceptique vis-à-vis de GPT-3.
En outre, l’IA pose un problème éthique : les biais. Non pas qu’elle soit intrinsèquement malveillante mais elle a tendance à reproduire les biais racistes ou misogynes des humains car elle se nourrit justement de leurs données. On se rappelle de Tay, cette intelligence artificielle créée par Microsoft qui diffusait des messages à caractère raciste sur Twitter. La même expérience a été menée sur GPT-3 par Jerome Pesenti, vice-président de l’intelligence artificielle chez Facebook, avec des résultats similaires.
Pour autant, il ne faut pas négliger les apports de cette technologie déjà applicables. Par exemple, on peut citer debuild.co qui permet de créer en un clin d’œil une application en se contentant de décrire son objet. On peut aussi mentionner Figma, l’outil collaboratif pour le design d’interface.
Pour rester dans la production de contenu web, une IA comme GPT-3 permet de concevoir un style d’écriture. Ainsi, elle a été utilisée pour des pastiches d’Harry Potter avec le style d’Ernest Hemingway, Jane Austen ou encore Georges Orwell.
À défaut de travailler sur le fond, l’IA peut déjà nous aider sur la forme.